Critique du Coran
Coran : les différentes
théories chronologiques de la rédaction du Coran, philologie et approche
paléographique.
Les recherches récentes montrent que le Coran n'est pas la
transcription directe de la parole de Mahomet ; avant d'arriver à sa forme
actuelle canonique il est passé par plusieurs phases d'écriture et de réécriture11,12. Le Coran, comme tout autre livre, a une histoire.
L'histoire de son élaboration
Il n'existe pas de Coran « original » remontant à
l'époque de Mahomet. Certains chercheurs essaient de cerner les conditions de
formation et la période de la rédaction du texte ou des textes : pendant
ou après la vie de Mahomet13, voire -pour certains extraits- avant, ainsi que le suggère Christoph Luxenberg dans l'un de ses ouvrages12.
Le Coran inclut des parties récitées, selon la tradition, par
Mahomet rejoignant des passages de la Bible hébraïque, du Talmud, du Nouveau Testament que le Coran cite explicitement comme
des livres révélés14,15 tout en affirmant qu'ils contiennent des
erreurscitations 6,16,17 ; et le Coran présente certaines ressemblances notables avec
d'autres sources plus légendaires telle que les Sept Dormants
d'Éphèse ou le Roman d'Alexandre18,19. Ainsi, de nombreux commentateurs du Coran ont voulu reconnaître
en Dhû-l-Qarnayn de la sourate dix-huit du Coran, Alexandre le Grand ou Cyrus le Grand20, d'autres personnages historiques ont été repris par les savants
musulmans dans le cadre d'une exégèse du Coran21,22. Le Coran reprend de nombreux récits des apocryphes chrétiens concernant la vie de Marie et
l’enfance de Jésus23.
Concernant la composition du Coran par Mahomet, Maxime Rodinson écrit : «… comme (Mahomet) était
doué d'une personnalité singulièrement plus riche et plus puissante que celle
des Kâhin ordinaires, cette insatisfaction le
poussait aussi à réfléchir. Toute une élaboration intellectuelle se déroulait
parallèlement aux répercutions de son tempérament inné de son histoire
personnelle sur le plan nerveux. Et cette élaboration intellectuelle était
d'une rare qualité… Petit à petit, son esprit s'avançait sur une voie qui
devait le mener à dépasser l'horizon de son pays et de son temps24. » Après une longue comparaison, sur une quarantaine de
pages, de Mahomet avec certains mystiques comme Thérèse d'Ávila et appuyé l'idée que Mahomet croyait
sincèrement à la Voix qui lui dictait des choses25, Rodinson conclut : « Mohammed dut aussi éliminer,
trier, inconsciemment sans doute, et ne retenir que ce qui édifiait, exortait, consolait. Ses plus beaux
poèmes n'ont sans doute jamais été écrits. Il attendait de Dieu des messages
dans un sens donné et son attente modelait le verbe qui cherchait, en vain, à
se montrer plus fort que lui.
Au-delà des glossalistes chrétiens, il découvrait la démarche des grands
prophètes d'Israël26. »
De sa compilation à sa canonisation
Chercheurs contemporains
Le philologue et islamologue Manfred Kropp explique que la langue du Coran aurait
été retravaillée par des grammairiens en un texte en arabe populaire qui déjà
avait de nombreux emprunts au syriaque27. Selon le traducteurMaurice Gloton et Mahmoud Azabnotes 1, le Coran comporte certaines irrégularités grammaticales
par rapport à la grammaire simplifiée de l'arabe moderne, qui seraient des
artéfacts de l'ancienne grammaire arabe de l'époque de Mahomet28.
L'opinion la plus partagée dans le monde des chercheurs est que
« l'initiative de constitution d'un codex coranique officiel, commencée
apparemment sous le califat de Uthman semble
avoir trouvé son achèvement sous le règne d'Abd
al-Malik (685-705)
ou un peu plus tard29 ». L'absence d'uniformité de lecture due à l'absence de
voyelles [réf. nécessaire],
créant des variations grammaticales et sémantiques, engendre différentes
traditions locales de lectures (qira'at) dont quatorze [réf. nécessaire] seront autorisées à partir du xe siècle.
Les lectures non autorisées demeureront cependant débattues par
les savants musulmans. Une lecture dite de
Hafs ou Coufique sera imposée à tout l'Empire ottoman au xvie siècle et reste la plus répandue de nos
jours. Quelques lectures ont subsisté à la périphérie de l'empire dont la
version dite de Warsh ou Médinoise,
la seule encore imprimée, en Afrique de l'Ouest et du Nord-Ouest30. Comme le souligne Manfred Kropp, actuellement, une collection de
lectures (mu'jam al qira'ât) est répertoriée comme des variantes par
rapport à la lecture hafs,
tandis que point de vue scriptural, le rasm de toutes ces variantes (sans les
voyelles et les hurûf al
'illah) reste uniforme et similaire aux quelque trente-mille fragments de
textes coraniques remontant au ier siècle hégirien31.
La tradition musulmane
Selon la tradition musulmane, Mahomet récitera le Coran en entier
par cœur à chaque ramadan en
présence de Gabriel32, et plusieurs compilations intégrales du Coran seront faites par
des disciples de Mahomet à titre personnel du vivant de Mahomet33,34. Après Mahomet, ce sera Abu Bakr qui
fera rédiger une compilation intégrale officielle à Zayd ibn Thâbit, qui sera conservée chez lui,
mais ni diffusée ni multipliée35. D'après certaines traditions musulmanes, le calife Uthman réunira
une seconde fois tous les chapitres du Coran en une édition définitive et
détruira toutes les autres variantes du Coran, dont certaines variantes
figureront dans les livres d'exégèses et de hadith, selon les règles de la
transmission des hadiths36,37,38.
La tradition situe la mise en forme orthographique du Coran (avec
les voyelles, la ponctuation et l'usage systématique des points diacritiques)
sous le règne de Abd
al-Malik (685-705),
ou un peu plus tard39,40.
La tradition rapporte une destruction massive de manuscrits de
corans, afin d'homogénéiser les manuscrits sous le califat d'Uthman ibn Affan, et la destruction de la
variante d'ibn Mas'ud jusqu'en 1007 à Bagdad34. Bukharirapporte les réticences d'Abdullah ibn Mas'ud sur le canon d'Uthman et ses
encouragements aux Irakiens à utiliser sa propre compilation plutôt que le
canon d'Uthman composée par Zayd ibn Thâbit41,34, et les plus anciens manuscrits disponibles du Coran remontent à
la seconde moitié du premier siècle hégirien d'après les techniques de datation
modernes42,43,11.
Du côté chiite duodécimain,
le livre de Mohammad ibn Yaqub Kolayni (? - 940)
intitulé Usûl al-Kâfî, est
le premier livre chiite connu à affirmer que le Coran possédait certains
passages évoquant l'imamat de Ali et
qu'il a été falsifié44. Une affirmation désormais généralement abandonnée par ceux-ci (à
l'exception de rares réticences) dans le désir de se conformer à la version
orthodoxe45.
Parole
de Dieu ?
Des écrivains contemporains comme Karen Armstrong basent leur
critique de Mahomet et de sa religion sur la contestation d'une des idées
centrales de l'Islam : le Coran représenterait la parole littérale de
Dieu.
Armstrong et d'autres préfèrent parler en de vagues formules de la
nature transcendantale des visions et perceptions de Mahomet dès qu'il est
question de la nature divine ou non du texte du Coran. Ces formulations n'en
restent pas moins considérées hérétiques par les musulmans pieux, comme le
furent, en leur temps, les travaux des chercheurs universitaires sur le problème synoptique ou la quête du Jésus historique par
diverses autorités religieuses du christianisme10.
Syntaxe et grammaire du Coran
Au Moyen Âge, Ibn Khaldun a
écrit longuement sur les péripéties de la grammaire, du lexique et de la
syntaxe arabes, et de l'i'rab46 dans son Muqaddima et
décrit comment l'histoire a conduit la langue arabe à la simplification depuis
ses origines47.
Le grammairien spécialiste d'arabe ancien, Muhyiddin al-Darwish, a
consacré un ouvrage volumineux à une analyse grammaticale détaillée de
l'intégralité du Coran, et expliqué dans un langage fort technique le
fonctionnement de la grammaire de l'époque de façon systématique verset par
verset.Il a également disséqué les usages grammaticaux de l'époque pour tous
les points qui semblent être autant d'erreurs grammaticales au regard de
l'arabe simplifié, destiné à être enseigné aux non-arabes, à partir du premier
siècle hégirien48,47.
D'après l'ouvrage confessionnel sunnite Encyclopaedia of Islam49, les traits diacritiques auraient déjà été inventés au temps du
Calife Ali ibn Abi Talib, qui a demandé à abu
al-Aswad d'écrire un ouvrage sur la grammaire. Celui-ci aurait inventé les
voyelles, encore inexistantes dans l'écriture arabe auparavant. Ces voyelles
consistant en des traits diacritiques auraient été appliquées dans les
manuscrits du Coran de façon systématisée plus tardivement50. Les points diacritiques permettant de différencier certaines
consonnes existaient quant à eux, mais étaient utilisés exceptionnellement
jusqu'alors, pour des mots prêtant à des ambiguïtés fortes, comme en témoignent
les papyrus PERF 558 (22H/642)51, le papyrus bilingue P. Mich. 6714 (daté à 22-54H/642-674)52. Les différences de graphismes entre le Coran rédigé en Warch et celui rédigé en Hafs, témoignent de ce que la
finalisation orthographique des versets s'est faite postérieurement à Mahomet.
Certains graphismes liés à des flexions casuelles ou encore à la ponctuation
ont également été rajoutés au le texte primitif, une fois inventés, pour
permettre aux non initiés la bonne prononciation des versets53.
Références
- 7)
- 13)
- e)
- 93)
- 2
- e)
- 5
- ml
- gne)
- 13)
- cf. Manfred Kropp, Les Origines du
Coran, série de conférences au Collège de France, octobre 2005, conférences
en ligne du 06-10-2005, minutes 28 à 31.
- (en) Christoph Luxenberg, The Syro-Aramaic reading of the Koran : a
contribution to the decoding of the langage of the Koran, Verlag Hans Schiler, 2007 (lire
en ligne)
- cf. Manfred Kropp, Les Origines du
Coran, série de conférences au Collège de France, octobre 2005, La
conférence en ligne
- Maxime Rodinson, Mahomet, Seuil, coll. « Essais »,
1994 (ISBN 978-2-02-022033-0), p. 103-104 ;
150-151.
- (tr) Ebu Cafer Muhammed b. Cerir et-Taberi, Taberi Tefsiri, vol. 3, Hisar
Yayınevi, p. 304-309
- (tr) Ebu Cafer Muhammed b. Cerir et-Taberi, Taberi Tefsiri, vol. 1, Hisar
Yayınevi, p. 249, 3/304-309
- (en) Neil Asher
Silberman, The Bible unearthed : archaeology's new vision
of ancient Israel and the origin of its sacred texts, New York, éditions, coll. « Free
Press », 2001, p. 24 et sq.
- Maxime Rodinson, Mahomet, Seuil, coll. « Essais »,
1994 (ISBN 978-2-02-022033-0), p. 153-154
- Le Saint Coran: traduction et commentaire de
Muhammad Hamidullah avec la collaboration de M. Leturmy, Éditeur : Amana
Publications (août 1989), ISBN 0-915957-04-3 en ligne sur Wikilivres, de
nombreux passages de cette interprétation en français du Coran ont été
commentés en relation avec les anciens écrits, le Coran reconnaissant les
écritures judéo-chrétiennes comme d'origine révélée.
- Dans Tabari, La Chronique (De Salomon à la chute
des Sassanides), Actes Sud (ISBN 2-7427-3317-5) p. 78.
- Maxime Rodinson, Mahomet, Seuil, coll. « Essais »,
1994 (ISBN 978-2-02-022033-0), p. 151-154
- (tr) Ebu Cafer Muhammed b. Cerir et-Taberi, Taberi Tefsiri, édition : Hisar
Yayınevi: Vol. 5, pages :378-388.
- * la consécration de Marie dans la Sourate III,
La famille de ‘Imran, 31 et le Proto-évangile de Jacques, * la vie de
Marie au Temple dans la Sourate III, La famille de ‘Imran, 32 et la
Sourate XIX, Marie, 16 et le Proto-évangile de Jacques, * le tirage au
sort pour la prise en charge de Marie dans la Sourate III, La famille de
‘Imran, 39 et le Proto-évangile de Jacques, * la Nativité sous un palmier
dans la Sourate XIX, Marie, 23 et l'Évangile du pseudo-Matthieu…, * Jésus
parle au berceau dans la Sourate III, La famille de ‘Imran, 41 et la
Sourate XIX, Marie, 30 et l'Évangile arabe de l’enfance, * Jésus anime des
oiseaux en argile dans la Sourate III, La famille de ‘Imran, 43 et la
Sourate V, La Table, 110 et l'Évangile de l’enfance selon Thomas.
- Maxime Rodinson, Mahomet, Seuil, coll. « Essais »,
1994 (ISBN 978-2-02-022033-0), p. 83
- Maxime Rodinson, Mahomet, Seuil, coll. « Essais »,
1994 (ISBN 978-2-02-022033-0), p. 81-122
- Maxime Rodinson, Mahomet, Seuil, coll. « Essais »,
1994 (ISBN 978-2-02-022033-0), p. 122
- Kropp, Manfredd. Conférence
au collège de France
- Lire, Maurice Gloton, Une approche du
Coran par la grammaire et le lexique. édition Albouraq
(2002) ISBN 978-2-84161-171-3. p. 15, 31.
- Etan Kohlberg et Mohammad Ali Amir-Moezzi, cités
par Michel Cuypers et Geneviève Gobillot, Le Coran, éd. Le Cavalier
bleu, 2007, p. 19-20 Le
Coran - Google Boeken
- Michel Cuypers et Geneviève Gobillot, Le Coran, éd. Le Cavalier
Bleu, 2007, p. 20 Google
Boeken
- Les
origines du Coran , par Manfred Kropp, univ. Mayence
(Allemagne) (Le 6 octobre 2005 au Collège de France), conférence du 6
octobre, 28e à 30e minutes.
- (en) « Bukhari, Jami'ul ahkam al Qur'an, Fasting
(Jeune) (XXXI), no 126
(traduction : M. Muhsin Khan). »
- (ar) Jâmi'ul-Sahih, Al-Bukhârî,
(Riyadh) ; volume 7, p. 100, volume 9, p. 43, etc. (en) « Le texte en
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- Michel Cuypers et Geneviève Gobillot, Le Coran, éd. Le Cavalier
bleu, 2007, p. 17 et suivantes. Google
Boeken
- (en) Bukhari, Jami'ul
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- (en) Bukhari,
Jami'ul ahkam al Qur'an, Punishement of disbelievers at War
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- (tr) Ebu Cafer Muhammed b. Cerir et-Taberi, Taberi Tefsiri, édition : Hisar
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- (ar) As-Suyuti, Itqan fi 'ulum
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- Etan Kohlberg et Mohammad Ali Amir-Moezzi, cités
par Michel Cuypers et Geneviève Gobillot, Le Coran, éd. Le Cavalier
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- (en) Bukhari, Jami'ul
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Quran (LXI) : 521-525.
- Paris, BNF arabe 328 a par Dutton (2001, p. 74-84)
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12 January 2008. Retrieved 2010-02-07.
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- Michel Cuypers et Geneviève Gobillot, Le Coran, éd. Le Cavalier
bleu, 2007, p. 19. [2]
- Les flexions casuelles, l'usage de l'arabe chez
les bédouins avant la naissance de la grammaire arabe.
- ibn Khaldun, Discours sur
l'Histoire universelle, Al-Muqaddima ; Traduction nouvelle,
préface et notes par Vincent Monteil ; éd. Sindbad, III tomes. ISBN 2-7274-0031-4, p. 1243-1281.
- (ar) Muhyiddin Darwish, I'rab al Qur'an
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(Damas), 1999; X Tomes.
- (en) M. Mukarram Ahmed (en), Encyclopaedia of
Islam, New Delhi, éditions Anmol, 101 volumes, 10.588 pages. ISBN 81-261-2339-7 2005 ; vol. I, p. 83. À ne pas confondre avec l'Encyclopædia of
Islam, Heinrich. Éditions Brill.
- B. Dodge (Editor and Translator), The Fihrist Of
Al-Nadim: The Tenth Century Survey of Muslim Culture, 1970, Volume I,
Columbia University Press: New York & Londres, p. 87-88.
- Alan Jones, Islamic Culture, 1998, Volume LXXII, No. 4, p. 95-103.
- Adolf Grohmann, Zum
Papyrusprotokoll In Früharabischer Zeit, Jahrbuch Der
Österreichischen Byzantinischen Gesellschaft, 1960, Volume IX, p. 2-5 and Figure 1. The
Plate is also reproduced in A. Grohmann, I Arabische Chronologie. II
Arabische Papyruskunde, 1966, Handbuch Der Orientalistik, E. J. Brill:
Leiden/Köln, Plate III:1.
- A. Grohmann, The Problem Of
Dating Early Qur'ans, Der Islam, 1958, p. 221.
Une totale remise en question, urgente et nécessaire, de notre société et mœurs de vie : http://www.howworldcan.be
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